Jacques Merrer

Jacques Merrer, clarinettiste français, nous offre l'opportunité de découvrir son parcours en tant que musicien et nous présente sa collection qui comprend 3 siècles de musique, depuis Vivaldi jusqu'aux compositeurs vivants.

Un parcours sur trois activités...

1 - Quel est votre parcours en tant que musicien ? 

Mon parcours musical s’est concentré sur trois activités très prenantes : l’orchestre national de Lille m’a puni comme « soliste clarinette Mi bémol » pendant plus de quarante ans, le Conservatoire d’Arras m’a retenu comme professeur indéboulonnable pendant à peu près la même période et la musique de chambre m’a obligé de supporter les humeurs conjuguées d’un altiste et d’un pianiste pendant plus de cent concerts !

Bien sûr, j’ai dû décrocher quelques diplômes pour mériter une telle sentence (CA d’enseignement, CA des orchestres) et la Maîtrise ès Lettres, que j’ai cru parfois inutile, m’a servi à « maîtriser » mon langage et aiguiser cette curiosité intellectuelle si précieuse dès qu’il s’agit d’explorer des domaines qui n’intéressent personne.

2 - Quelles sont vos inspirations et influences musicales ?

Ma formation a été marquée par le talent hors norme de Henri Dionet, professeur au CRR de Versailles et soliste à l’Opéra de Paris. Celui que je qualifierais d’interprète-modèle est Maurice Gabai, soliste à l’Opéra de Paris pendant des décennies, qui possédait sonorité, technique et chaleur expressive. Celui que j’ai admiré en tant que collègue à l’orchestre national de Lille est Claude Faucomprez, artiste brillantissime et… compagnon de misère !

Mais toutes ces personnalités seraient bien esseulées dans mon monde intérieur s’il n’y avait pas Callas, Sutherland, Freni, Gedda, Cappuccilli et toutes ces voix légendaires qui hissent la musique à des sommets éthérés. D’ailleurs, je réalise que mes trois références « clarinettistiques » s’appliquaient constamment à « chanter » dans leur instrument…

La collection de Jacques Merrer 

3 - Pouvez-vous nous présenter votre collection ?

Les trois axes de mon périple initiatique vont se retrouver tout naturellement dans ma collection. L’orchestre m’a conduit à éditer 10 volumes de traits d’orchestre pour clarinette en Mi bémol ou en : une œuvre colossale et certainement unique au monde, qui a nécessité plus de 20 ans de patience et provoqué plusieurs crises de nerf de la part de mon éditeur…

En tant que professeur, je tiens à faire paraître des ouvrages pédagogiques de pure vengeance (gammes, études) qui donneront, j’espère, quelques fils à retordre aux élèves actuels et je compte beaucoup sur ma Méthode qui va bientôt paraître, pour accéder à l’immortalité.

Enfin, la musique de chambre mène à l’élargissement du répertoire, du XVIIIème siècle à nos jours : Molter, Albinoni, Vivaldi, côtoient De Crépy, Gemrot, Gandrille, les uns aidant les autres à connaître peut-être la gloire éternelle…

4 - Comment choisissez-vous les œuvres ?

Elles doivent toujours correspondre à un intérêt musical soit historique, soit pédagogique, soit innovant par ses alliances. Je choisis évidemment les compositeurs en fonction de mes goûts personnels (discutables) et de ma culture actuelle (incomplète) : le degré de sincérité dans leur écriture est vraiment primordial à mes yeux et surtout à mes oreilles, même si leur style révèle une école radicalement différente.

L’essentiel est de magnifier mon instrument de prédilection en le plaçant dans un environnement attrayant : clavecin, quatuor à cordes, orgue (comme la trompette de Maurice André !) ou même un orchestre complet. Pourquoi ne pas éditer un jour d’autres pages avec chant, accordéon ou fifre à grelots ? La liste n’est pas exhaustive, tant que le talent de l’auteur permet à l’interprète de trouver du plaisir et au public de ne pas s’endormir…

5 - Que souhaitez-vous transmettre au travers de cette collection ?

Je m’efforce de suivre le même chemin que celui emprunté par la clarinette basse il y a trente ans. La clarinette basse était souvent considérée comme un instrument de seconde zone : quelques solos d’orchestre, de rares mises en valeur, un répertoire spécifique absent. Et puis, il y a eu Henri Bok et quelques grands artistes qui ont suscité la naissance de dizaines d’œuvres.

Un langage nouveau est né avec une grammaire complexe, une technique inédite et une capacité expressive insoupçonnée. J’espère que la clarinette en Mi bémol suivra la même ascension, tirant dans son sillage la clarinette en Ré, injustement négligée. Mais, alors que la clarinette basse a dû son essor essentiellement grâce aux créations contemporaines, la « petite clarinette » puisera dans toutes les époques pour dorer son blason.

Il ne s’agit pas d’oublier la clarinette Si bémol qui, elle non plus, ne sortira pas indemne de ma collection : les ouvrages à caractère pédagogique s’adressent bien entendu à tous les masochistes ! Dorénavant, il faut être un excellent clarinettiste en Si bémol avant d’entreprendre une quelconque spécialité. Il paraît même que la petite clarinette ne se contente pas de petits clarinettistes…