MINIATURES CREOLES de Bruno-Michel ABATI

Interview de Bruno-Michel ABATI.

1- Quel est votre parcours en tant que musicien ?

J’ai un parcours de musicien assez éclectique. Je débute la musique à l’âge de 17/18 ans en formant à Nîmes un groupe de reggae. Et c’est en voulant améliorer ma technique de guitariste qu’un an après ces débuts, je décide d’aller prendre des cours de guitare classique auprès de Guy-Jean Maggio, que j’avais rencontré quelques temps plus tôt. L’émotion à la découverte du répertoire de cet instrument est telle que je décide très rapidement d’en faire mon métier. J’entre à la limite d’âge au Conservatoire de Marseille dans la classe de René Bartoli et j’obtiens trois ans plus tard un 1er prix, Médaille d’Or comme on disait à l’époque, à l’unanimité du jury. A Marseille je suis également des cours d’écriture qui bien évidemment me seront très utiles. Entre temps je rencontre Roland Dyens lors de son stage d’été à Puget-Théniers dans les Alpes-Maritimes. Le lien avec ce déjà très grand nom de la guitare à l’époque, est fort et une fois mon prix obtenu, je viens à Paris continuer ma formation auprès de lui à l’Institut Musical de Paris où j’obtiendrai un prix d’excellence puis de supérieur. Mais plus que des prix j’ai appris grâce à lui à connaître et comprendre cet instrument et encore aujourd’hui mon enseignement est très façonné par ce qu’il m’a transmis. Il m’a également très souvent conseillé en matière de composition et chez le compositeur que je suis aujourd’hui un certain nombre d’éléments, de manière de faire proviennent de lui.
En parallèle de mes études je monte le quatuor Musyriade composé d’une flûte, d’une contrebasse, des percussions et bien sûr d’une guitare. Ce quatuor a été mon laboratoire d’expérience où j’ai pu assouvir mon besoin d’inventer, mettre en place des notions acquises et faire vivre par la scène chacune des compositions ou arrangements écrits pour cet ensemble. Une expérience musicale de près de quinze ans mais qui pourrait repartir à tout moment.
Après ces années de musique de chambre, c’est le monde de la chanson, mon point de départ, qui va revenir avec tout d’abord le spectacle Brassens da Bahia, où je revisite les chansons de Georges Brassens à la manière brésilienne puis dans le sillage de cette première expérience de Samba Français, avec mes compositions.
Actuellement c’est l’hybridation qui caractérise mon travail de musicien. La chanson et la musique instrumentale se croisent pour je l’espère aboutir à un autre type de proposition de concert.

 

2- Pouvez-vous nous décrire votre style en tant que compositeur ? Quels sont vos inspirations et vos influences musicales ?

Je suis un compositeur qui a des influences à 360°. Tous les styles, toutes les esthétiques de tous les pays et toutes les époques m’intéressent. Si ces dernières années la musique tonale s’est installée chez moi, il n’en a pas toujours été ainsi et encore récemment dans deux expériences de musiques à l’image, l’atonalité est revenue comme une évidence. De Pergolese, Monteverdi, Bach, Mozart, Sor, Beethoven, Litz à Hindemith, Bartok, Stravinsky, Varèse, Debussy, Ravel, Pierre Henri en passant par Bob Marley, James Brown, Chick Corea, King Crimson, David Bowie, Miles Davis, Monk, pour ne donner que ces quelques noms d’une liste immense, tout m’intéresse, me plaît, me nourrit et ce sans aucune hiérarchie de valeur.

 

3- Présentez-nous votre dernière œuvre MINIATURES CREOLES.

Les miniatures créoles sont le résultat d’une demande que m’a faite Jean-Jacques Fimbel, directeur de collection chez IMD, d’écrire des pièces au caractère tropical pour un public de guitaristes classiques de niveau cycle 1 et 2. La chose n’était pas simple pour moi car la notion de musique tropicale, très ancrée en moi de part mes origines capverdiennes par ma mère et martiniquaises par mon père, devait refléter respectueusement l’esprit de ces musiques, et surtout ne pas tomber dans ce qui est appelé aux Antilles le « doudouisme » à savoir de la musique qui se donne des airs de musique tropicale sans en avoir l’essence. A cela s’ajoutait le fait que ces musiques sont destinées à des musiciennes et des musiciens qui ont entre 3 et 6 ans de pratique instrumentale, donc se doivent d’être accessibles. J’ai donc choisi de ne pas aller vers les musiques traditionnelles, à l’exception de la cinquième qui est une mazurka créole, mais de m’attacher plus au mot « créole » et plus précisément à la notion de créolisation si chère au poète martiniquais Edouard Glissant. Ainsi le mot miniature a pris pour moi le sens d’images de taille réduite par lesquelles il m’était possible d’introduire une touche poétique que le titre de chacune de ces miniatures rappelle : Le Pierrot noir et la lune chabine, De l’âme africaine, Poupées madras, Élégie à la mémoire des coupeuses et coupeurs de canne disparu.e.s et Les amants dansant rue cases nègres.
Ainsi dans le désir de faire naître modestement un processus de créolisation, si tant est qu’on puisse le faire naître, ces cinq pièces brèves partent d’éléments mélodiques et rythmiques propres à ces tropiques musicaux et par l’idée poétique sous-jacente, avec la complicité de la guitare classique, vont vers un ailleurs encore à déterminer.